30 août 1944 – Etat major des F.F.I du 8e
Mon cher
Henri
C’est enfin aujourd’hui que je
peux t’écrire et te donner une faible idée des jours que nous venons de vivre
depuis le 19 août. Chaque Parisien
pourra écrire un roman avec ce qu’il a fait ou vu et pour notre part nous avons
été bien protégés puisque nous sommes vivants. Nous avons fait de noter mieux
pour aider au salut commun et à la délivrance, Jean à TSF, Guy comme volontaire
pour l’attaque des chars et moi au magasin de ravitaillement et à la cuisine le
tout très chaotique comme tu peux le penser. Guy a pris part aux batailles du
Pont St Michel des Tuileries et de la Chambre des Députés où il a été blessé d’un
éclat d’obus par ricochet ce qui a nécessité une piqûre antitétanique. Cette
blessure heureusement sans gravité, sur le côté du genou ne l’a pas arrêté un
seul instant, c’est la piqûre qui l’a surtout secoué. Depuis 11 jours nous n’avons
que peu dormi aussi sommes nous pas mal décollés Jean intendant du Center a
veillé au ravitaillement des troupes et a réussi à les alimenter avec les
prises sur l’ennemi. La cour de l’hôtel particulier 137 fg St Honoré qui abrite
l’Etat Major FFI du 8e a vu défiler plus d’un prisonnier allemand ou
civil milicien ou autre, et bien des femmes tondues (celles qui avaient fréquenté
les allemands). Il est bien difficile de faire de la comptabilité de magasin
dans un chaos pareil – ne sachant jamais combien on aura de rationnaires, mais
cela me rappelle le défilé des réfugiés à Lunel. L’avantage est qu’on est
nourri et en général bien nourri, tandis qu’en ville, malgré de petites récupérations
sur les Boches et les mauvais Français on en est encore au régime des queues
chez tous les fournisseurs y compris le boulanger, et de l’impossibilité pour
les 4/5 de la population de faire chauffer les aliments et cuire quoi que ce
soit faute de combustibles puisque nous vivons sans gaz ni électricité. C’est
une drôle de vie ! Mais tout le monde est heureux et décidé à tout
supporter aussi longtemps qu’il le faudra et avec le sourire, jusqu’au moment où
l’ordre se rétablira ce qui ne peut se faire que peu à peu. Il faut voir Paris
acclamer les troupes Leclerc ! de Gaulle et les Américains ! Et quel
matériel nous exhibent nos alliés !! avec cela les Boches ne doivent pas
en mener large ! Nous sommes naturellement très anxieux d’avoir de tes
nouvelles. Es-tu libéré ne l’es-tu pas ? Comment t’en es-tu sorti ?
Et ta volaille ? La chienne ? Rose Marie ? Quand pourrons-nous
nous voir ? Inutile de te dire que tu dois nous donner de tes nouvelles dès
que possible et par tous les moyens. Mais nous craignons que la Rochelle et La Palice soient des morceaux un peu
durs à digérer.
En attendant, nous t’embrassons
tous trois bien fort.
Etiennette
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